Tout ce qui n'est pas donné ou partagé est perdu (proverbe gitan)

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Ici c'est le printemps toute l'année !!!

mercredi 4 février 2009

A l'ombre des parasols des marchands de couleurs

















Je marchais. Je m'arrêtais. Je déambulais. J'errais, mais pas n'importe comment. Avec une certaine malice, pas méchante pour deux sous. Oh non ! Avec celle des yeux de la gourmandise d'un enfant qui saura se retenir à temps. Je pilais pile-poil à l'ombre des parasols protecteurs des marchands de couleurs. Vous savez, ces fameux objets mal répertoriés que je considère comme des bijoux ! J'exaltais. J'avançais. Je trainais jusqu'à stopper net devant quelques petits trésors. Je n'osais pas les toucher. Je souriais. Puis, j'en attrapais un comme s'il allait tomber en poussière. Avec tellement d'hésitation que le vendeur me suspectait. Mais il souriait à son tour. Mon air bêtement émerveillé ne pouvait pas faire de moi une voleuse. Tout au plus une lectrice ridicule, au mieux une précieuse ridicule si cet ouvrage m'inspirait un quelconque sentiment. Dans mes minuscules mains je tournais les pages, je les lisais furtivement, mais avec la force de la concentration.

Puis soudain, sous cette chaleur accablante, un courant d'air, un éclair, un cheval de feu, un dragon en colère, une tempête, un ouragan...ont traversé mon espace et m'ont figée dans le temps.
Je n'osais plus bouger du tout. Je ne pouvais plus respirer. Je haletais. Je transpirais. Je tremblais. Heureusement, les tremblements sont imperceptibles tout comme les gouttes de sueurs. Il faut s'approcher de très près pour pouvoir les distinguer. De toute façon, à ce stade de liquéfaction j'étais devenue complètement transparente, une vague apparence parmi les étalages bien stables sur l'asphalte, mettant en évidence d'autres saveurs autrement plus appétissantes. Discrète la petite ! Me maintenant toute seule à distance de tout. Bien trop soucieuse à l'époque de ne pas sombrer à nouveau dans les turpitudes de la vie. Pas vraiment sur la défensive. Je ne suis jamais sur la défensive. Disons plutôt, si ce n'est pas dans mes habitudes de faire des vagues, à cette période de ma vie cette attitude était d'autant plus vraie.

En revanche, lui, l'homme, tout vêtu de blanc, il était là, bien présent au monde. Tout au moins, à cet instant précis. Il arpentait l'allée comme si elle lui appartenait. J'ai même pris son aura en pleine figure. Une de celles qui vous décoiffe et vous laisse quelques épis à vie. Comment ne pas être bousculée, ébranlée par tant d'assurance ?
Lui ne me voyait pas. Il faut dire, je continuais à tout faire pour qu'il en soit ainsi. Pourtant, il me connaissait un peu aussi. Enfin, je crois. Il aurait très bien pu me reconnaitre après m'avoir aperçue dans un contexte bien particulier. Mais de toute évidence cela n'évoquait aucun grand souvenir pour lui. De ça j'en suis sure, j'en suis certaine car je lui en ai voulu. Pour le reste je ne sais pas. De toute manière, quelle importance? J'avais le don d'invisibilité. Je comptais bien m'en servir. Et je m'en suis servie. Un peu. Je l'ai suivi. De loin. Je le voyais. Je l'épiais. Je l'espionnais.

Il n'hésitait pas à les choper, à les saisir fermement. J'ai même cru qu'il allait les manger, que dis-je, les dévorer, ou même les embrasser. Quelle hargne ! Quelle dévotion ! Quel culot ! Mais quelle passion ! Je l'admirais. Pire. Je l'enviais ! Je me suis nourrie de ce spectacle vivant un bon moment. Le double de moi-même continuait à avancer pas à pas, doucement. C'était irrépressible. Pour rien au monde, je n'aurais voulu manquer son regard sur eux. Dans l'ombre je le voyais tantôt dédaigneux, puis soudainement amoureux !

Et puis d'un seul coup, au bout de l'allée plus rien du tout. Plus d'étals. Le vide. Il allait revenir en arrière forcément. Je n'aurais pas pu le supporter de face. J'ai fermé les yeux un long moment. Un très long moment, toujours figée et j'ai attendu qu'il disparaisse. Il a disparu.

Oh, plusieurs fois je l'ai bien aperçu, je l'ai bien revu et il m'a bien reconnue. Mais la rencontre, la vraie a eu lieu. Je ne l'ai pas cherchée, j'ai continué à me cacher. Pendant un an et demi. Elle était un peu fatale, un peu inévitable.
Mais de tout cela, il n'en a jamais rien su.

Mathilde Primavera.

2 commentaires:

  1. Eh bien que de jolis mots, de phrases si bien tournées imagées même filmées !!! Spectatrice admirative, lectrice bientôt fidéle, en tous cas je reviendrais partager avec toi bien plus que tes mots si bien écrits.
    Sylvie

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  2. Oh, merci Sylvie pour tous ces bons mots ! Je suis dans un état très particulier lorsque j'écris, c'est mon univers forcément... mais je ne savais pas ce qu'il pouvait engendrer, signifier pour les autres. Me voilà donc un peu confortée pour poursuivre. De toute façon dans l'ombre ou pas, je ne cesserai jamais d'écrire, j'aime vraiment ça et ce depuis fort longtemps.

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