
Le climat ne joue pas en ma faveur, c'est le moins que l'on puisse dire.
Comment voulez-vous que j'éradique mon statut de célibataire avec tellement de couches sur le dos que mes bras arrivent à la position horizontale, sans qu'aucun muscle n'ait besoin de faire un effort pour arriver à un tel résultat ?
Et encore, s'il n'y avait que le look ça pourrait passer pour tous ceux qui ne s'attardent pas seulement à une apparence.
Bon, à ce stade il faudrait aussi que toutes ces personnes bienveillantes poussent leur imagination à son paroxysme, je vous l'accorde.
De plus, c'est certain, une démarche ressemblant davantage au saut de cabris qu'au pas de velours d'un gracieux chat pour tenter de me réchauffer, n'est pas faite pour m'aider.
Mais comment faire autrement pour ne pas arriver à moitié congelé au rayon surgelé d'un supermarché ?
Ajoutez à cela un bonnet façon Péruvien, rose fushia et bordeaux agrémenté de perles brillantes qui descend jusqu'au raz des yeux et de la nuque et vous aurez un portrait de Miss Monde au royaume des gnomes.
Heureusement que le ridicule ne tue pas, mais celui-ci présente non seulement l'avantage de bien me couvrir la tête mais en plus d'être en laine, une matière précieuse par les temps qui courent.
Aussi, rien d'étonnant à ce qu'une amie croisée au hasard d'un carrefour piéton me sourit plus qu'à l'accoutumée, esquissant juste après une grimace afin que l'émail de ses dents ne m'explose pas en pleine figure.
Elle finit par prendre sur elle pour arriver à prononcer :
"comme tu es mignonne, on dirait un lutin !"
Je ne sais trop s'il faut se réjouir ou non d'un tel compliment.
Mais, ne doutant de rien, je rentre dans le grand café tabac presse et là, un bambin haut comme trois pommes, donc pas très grand, à vrai dire même assez petit, traverse la longue salle en courant, fonce tout droit vers moi et freine juste à la hauteur de mes pieds. J'en aurais presque senti l'odeur particulière de ses plaquettes en surchauffe !
Flanqué d'un père Noël en chocolat dans la main droite, de trois bombons gluants dans la main gauche, la bouche collante et grande ouverte, il était planté devant moi comme s'il venait de voir E.T. l'Extra Terrestre de Spielberg en personne.
Le buraliste ne pouvait s'empêcher de rire, et moi-même je n'avais aucune envie de pleurer à ce moment précis.
J'en profite pour expliquer à mon témoin qu'il n'est pas rare dans une assemblée de 50 personnes qu'un chat, un chien, un gosse viennent naturellement vers moi.
Mais, j'ai toujours attribué cela au fait qu'ils doivent être heureux d'apercevoir enfin quelqu'un à leur taille.
J'en étais encore à cette conclusion lorsque le buraliste me dit :
"Si vous voulez mon avis, il vous prend pour un lutin !"
Deux fois en l'espace d'une minute, ça fait un peu beaucoup non ?
C'est donc amusée que j'ai regagné mon domicile douillet.
Et, à un moment donné, en début de soirée il a bien fallu que je ressorte.
Franchement, qu'auriez-vous fait à ma place ?
Vous êtes d'accord pour dire que le soir les températures sont encore plus basses que dans la journée ?
Oui, je l'avoue, j'ai remis mon bonnet magique.
Arrivée dans la très grande salle, toutes les têtes connues ne me disaient pas bonjour.
Je suis donc partie tout au fond pour me dévêtir un peu et enlever mon couvre-chef, tout en étant impressionnée par cette grande concentration au point d'en oublier la politesse.
Et là :
"Ah c'est toi ! Je ne t'avais pas reconnue, bonjour (smack, smack) comment vas-tuuuuuuuuuu ?" turlututu chapeau pointu, mais cette dernière partie ils n'ont pas osé la dire.
Ce lieu était bien plus sublime qu'à l'accoutumée avec son nouveau maquillage fait de longs cils couleur argent qui couvraient toute la longueur du plafond.
Un immense sapin à la décoration monochrome sans aucun effet kitch pour une fois, possédait des boules de Noël aussi grosses que des ballons de basket et je n'en avais encore jamais vues d'aussi impressionnantes jusqu'à hier.
Et là, d'un coup, dans ce décor féérique, je réalise une chose très importante.
Ma mission de la journée était effectivement d'être un lutin, un ouvrier spécialisé du Père Noël pour lui donner un coup de main.
Je l'ai guetté, j'ai vaguement attendu, mais il n'est point venu.
A priori, il avait bien d'autres choses à faire que de se détendre en dansant le tango argentin avec moi.
Tant pis pour cette fois là, ce n'est pas grave, il me reste, hé hé, toujours mon drôle de bonnet en laine !
Mathilde Primavera.