Tout ce qui n'est pas donné ou partagé est perdu (proverbe gitan)

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Ici c'est le printemps toute l'année !!!

dimanche 3 mai 2009

Trop tard




















"Il a parlé. Prévoyante ou légère,
Sa voix cruelle et qui m'était si chère
A dit ces mots qui m'atteignaient tout bas :

"Vous qui savez aimer, ne m'aimez pas !

"Ne m'aimez pas si vous êtes sensible ;

"Jamais sur moi n'a plané le bonheur .

"Je suis bizarre et peut-être inflexible ;

"L'amour veut trop : l'amour veut tout un cœur.
"Je hais ses pleurs, sa grâce ou sa colère ;

"Ses fers jamais n'entraveront mes pas."

Il parle ainsi, celui qui a su me plaire...
Qu'un peu plus tôt cette voix qui m'éclaire

N'a-t-elle dit, moins flatteuse et moins bas :
"Vous qui savez aimer, ne m'aimez pas !


"Ne m'aimez pas ! l'âme demande l'âme.
"L'insecte ardent brille aussi près des fleurs :
"Il éblouit, mais il n'a point de flamme ;

"La rose a froid sous ses froides lueurs.
"Vaine étincelle échappée à la cendre,
"Mon sort qui brille égarerait vos pas."

Il parle ainsi, lui que j'ai cru si tendre.
Ah ! pour forcer ma raison à l'entendre,

Il dit trop tard, ou bien il dit trop bas :
"Vous qui savez aimer, ne m'aimez pas.""

Marceline Desbordes-Valmore
Poésies / Gallimard


J'aime cette femme pourvue d'un immense talent.

Aucun, absolument pas un seul de ses poèmes, ne m'a laissé insensible, pour ne pas dire complètement émerveillée et profondément émue.
Même Victor Hugo, dont sa propre renommée a évincé Madame Desbordes-Valmore, lui a élégamment écrit, et à ne pas en douter, certainement très sincèrement aussi :
"Il y a le monde des pensées et le monde des sentiments. Je ne sais pas qui a la pensée, et si quelqu'un l'a dans ce siècle, mais à coup sûr, vous avez l'autre. Vous y êtes reine."

Lettre du 2 août 1833 reprise dans les oeuvres complètes de Victor Hugo, édition Jean Massin.

Baudelaire lui rend un fabuleux hommage dans un texte publié dans la Revue fantaisiste en 1861.

Verlaine en fait de même dans "Marceline Desbordes-Valmore" in Les poètes maudits, deuxième série, 1888. Oeuvres en prose complètes, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, pp.666-678.

Quant à Aragon, il dit dans Europe, septembre 1948, p. 85 :
"L'un des plus grands poètes, je ne dirais pas du XIXe siècle français, mais de tous les temps."



Mathilde Primavera.


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