Tout ce qui n'est pas donné ou partagé est perdu (proverbe gitan)

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Ici c'est le printemps toute l'année !!!

samedi 14 novembre 2009

Le 8ème art

















Je peux affirmer, sans aucune crainte du ridicule, que Severus Rogue qui a fait l'objet de la publication précédente, aurait été un excellent danseur de tango argentin, s'il ne passait pas tout son temps avec ses chaudrons, et croyez-moi, cela n'a rien à voir avec le fait qu'il soit un brun ténébreux.
Il faut, certes avant tout, posséder un grand nombre de qualités et de prédispositions identiques aux siennes : rigueur, discipline, travail régulier, pratique constante, humilité et écoute pour les principales, en plus d'aimer bien-sûr cette musique et cette danse.
Sans tout ce minima de conditions, il est impossible de devenir une tanguera, un tanguero.
Mais, cela ne suffit pas.
Pourquoi croyez-vous que beaucoup de personnes s'inscrivent sans jamais en faire plus d'une année, quand ce n'est pas plus d'un trimestre, alors qu'ils ne manquaient aucun cours et venaient fréquemment aux milongas (bals constitués exclusivement de tango argentin et de milonga, un autre style de danse inclus dans cet univers) ?
Si le manque de partenaires hommes est un excellent argument plus que compréhensible pour justifier l'abandon de cette danse hors du commun, pourquoi alors certaines femmes poursuivent-elles même sans cavalier attitré ?
Tous les fidèles de cette discipline ne sont pas là pour parader, draguer, ou pour trouver un futur mari, une future épouse.
Si de belles rencontres peuvent avoir lieu et quelques attirances réciproques arrivent comme une évidence, cela survient toujours à titre exceptionnel dans ce microcosme.
De telles motivations vous feraient tenir, tout au plus, trois mois dans ce cercle très codifié.
Les danseurs de tango argentin sont présents et extrêmement concentrés, uniquement parce-que leur sensibilité exacerbée, leur nature passionnée et contrariée, nécessitent le désir irrépressible, ou le besoin inconscient, d'exprimer leurs douleurs enfouies d'une façon artistique, poétique, sans avoir à prononcer un seul mot.
Borgès disait à juste titre : "le tango est une pensée triste qui se danse."
J'irais plus loin en affirmant que danser le tango, c'est une jolie manière de transcender la souffrance.
Tout le monde s'accorde pour dire que c'est une danse sensuelle.
Si on ne peut pas le nier, ça serait également une façon de se fier qu'aux apparences et très réducteur pour cette pratique si complexe qui puise ses origines dans la misère, le mal de vivre, la nostalgie et les déchirures.
De surcroît, on ne peut pas évincer le côté machiste de cette danse, où le guideur affronte en permanence la volonté du guidé qui peut aussi bien accepter les propositions de postures que les refuser, alternant ainsi tour à tour, symbiose entre deux êtres ne faisant plus qu'un, duo, ou duel, bien au delà d'un simple jeu de séduction.
En effet, chaque tango est différent, mais il exprime souvent la violence d'une histoire impossible, ou tragique.
Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à lire ces trois extraits de chansons très connues donnés en exemples, parmi tant de textes de tango si empreints de passion :

"Si tu savais que dans mon âme,
je conserve encore cette tendresse que j'avais pour toi,
peut-être que si tu savais que je ne t'ai jamais oublié,
revenant sur ton passé,
tu te souviendrais de moi."
La cumparsita, paroles de Gerardo Hernan Matos Rodriguez.

"Tes tangos sont des créatures abandonnées qui traversent dans la boue de la ruelle quand toutes les portes sont fermées."
Boedo, paroles de Dante. A. Linyera.

"Mon quartier, excuse-moi mais je verse une larme quand je me souviens de toi, et quand je rode sur ton pavé, c'est comme si mon cœur te donnait un baiser prolongé."
Barrio de Tango, paroles de Homero Manzi.

Nul besoin de connaitre l'argot de Buenos Aires, ou même l'espagnol, pour être traversé par le langage universel de la musique, si celle-ci vibre à votre diapason.
Tout cela n'empêchera pas non plus certaines personnes, de l'appréhender d'une façon ludique, comme pour signifier le dépassement de ses tourments.
Décidément, il s'agit bien d'un art auquel il serait justifié de lui donner l'appellation du 8ème, tant son expression raconte l'histoire d'une passion unique pour chaque individu, semant la trace d'une création éphémère, mais nécessaire !


Mathilde Primavera.

5 commentaires:

  1. Verda! Mathilda! une danse comme un rituel (païen ?)à la fois blues, fado, macumba...pour retrouver ou exprimer du "sacré", pas de mots, pas d'images, pas d'idolâtrie: de la musique et des corps.. et là rien d'impossible, comme dans les rêves...mais illusion? jeu de rôle? fantasme? paradis? tel est le tango argentin dans les bras d'un danseur qui nous fait oublier les pas et l'apprentissage, même les codes!serait-ce un art?! FA

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  2. Querida Mathilde, fue una sorpresa muy grande para mí leer esta entrada sobre la música popular de mi país. Muy completo, interesante y alagador informe sobre esta expresión musical que trascedió las fronteras argentinas y que es patrimonio de la Humanidad, tal como fue reconocido por La Organización Cultural de Naciones Unidas, Unesco, el 30 de septiembre de 2009.
    Un beso y que disfrutes un lindo fin de semana

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  3. Applaudissements pour une telle allocution!!!!!

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  4. Fafa : réflexion fortement intéressante, c'est une vision aussi inattendue que vraie à laquelle je n'avais jamais pensé avant que tu l'exprimes. Effectivement, on peut parler de rituel concernant la pratique du tango argentin et s'il fait tant d'adeptes dans le monde y compris au Japon où les tangueros sont d'un niveau exceptionnel justifié certainement par leur rigueur, leur discipline, mais aussi leur amour des rituels, nous pouvons également conclure que nous en manquant fort dans nos civilisations industrialisées et que le tango argentin a donc également une fonction spirituelle dans nos pays où les seuls "dieux" sont devenus le pouvoir et l'argent !!!
    Le tango argentin libérant aussi bien le corps que l'esprit en fait oublier effectivement ses codes pourtant acquis mais jamais appréhendés comme des contraintes. On arriverait presque à un stade de transe, donc effectivement le tango argentin pourrait être en résumé, classé comme un art spirituel ! Merci Fafa pour cette révélation !!!

    Cris : Je suis ravie d'apprendre que l'organisation des Nations Unies ait déclaré le tango argentin comme le patrimoine mondial de l'unesco le 30 septembre 2009 !!! Excellente nouvelle ! Même s'il ne faut pas souhaiter un autre régime totalitaire pour l'Argentine, en espérant que cette sale période est totalement révolue, ce pays a failli perdre la culture du tango argentin à cause de ces gouvernements successifs, mais il reste à présent préservé et protégé à tout jamais !!! Ouf !!! J'ai toujours un immense plaisir à lire votre blog et vos commentaires si empreints d'enthousiasme !

    Véronique et Yannis : Je suis rouge pivoine par un compliment aussi élogieux, mais je serais une menteuse si je disais que cela ne me fait pas plaisir ! Merci à vous deux d'être si fidèles à mon blog !

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  5. "manquons" et non "manquant" je suis absolument désolée d'avoir fait une faute aussi grossière, je n'avais qu'à relire mieux que cela !

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