Tout ce qui n'est pas donné ou partagé est perdu (proverbe gitan)
vendredi 1 avril 2011
Révolte d'un printemps
Le Nom
Les amants étendus et pressés sur leur couche
Se disent : "Nommons-nous, ensemble, dans l'étreinte."
Car, même chair à chair et bouche contre bouche,
Ils s'appellent avec des cris mêlés de plaintes,
Comme s'ils se sentaient perdus dans les ténèbres !
Ils se nomment, en s'embrassant, pour se chercher,
Conscients de quelque solitude funèbre
Qui jusque dans l'amour les tient enlacés...
Et ce n'est pas leur corps, c'est leur âme qui crie !
Ah ! maintenant que tout est fini, pour la vie,
Depuis que tu ne sais plus même si j'existe,
Appelons-nous encor de loin, dans le silence,
D'une voix déchirée, affreuse, rauque et triste.
Mets-y l'expression particulière, intense,
Que tu prenais pour dire : "Où donc es-tu ? J'arrive..."
Nous ne reviendrons plus à l'appel de la voix.
Le vent emportera le nom de la dérive,
Et l'un ne répondra plus à l'autre : "Attends-moi !"
Pourtant suis mon conseil. Fais comme je ferai.
Quand l'instant sera lourd ou trop désespéré,
Va-t'en dans quelque coin de nature profonde ;
Et là, sans qu'aucun être écoute et te réponde,
Fais retenir au loin, pour qu'il revive une heure,
Le nom que plus jamais ta lèvre ne redit
Et qui t'avait donné sa douceur infinie...
S'il se peut qu'il renaisse encor sans que tu pleures,
Trouve pour le crier la force nécessaire,
Afin qu'un vent lointain le porte jusqu'à moi,
C'est-à-dire à peu près jusqu'au bout de la terre !...
Appelons-nous encor dans l'ombre quelquefois
De tout le désespoir éperdu de la voix.
Sans fin, recommençons le cri désespéré,
Un cri, pas un sanglot, un cri, mais prononcé
Avec l'inflexion de la pire tendresse !
Un grand cri de secours, un cri d'enfant perdu,
Un cri hurlé ; et qu'à cet appel tout renaisse,
Tout, du fond de la vie, du fond du jamais plus !
Qu'un printemps révolté réponde au loin : "Toujours !"
Crie ! Nous devrons mourir sans nous être revus !
Crie ! C'est atroce et monstrueux. Crie : "Au secours !"
Mais que toute pitié reste sourde à ta voix.
Nomme-moi dans la nuit sans pardon. Nomme-moi
Au fond de la forêt terrible de l'Amour !
de Henry Bataille
(1872-1922)
Fou oui, gueux non !
Fougueux certainement.
Fabuleux, faramineux, fatidique,
Fébrile, fripouille, frénétique...
D'un amour épique
Sortent les cris des amants !
Mathilde Primavera.
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Qui l'eut cru... je ne voyais pas Bataille dans ce registre, mais à dire vrai, je n'aurais pas trop su !! en tout cas quelle fou...gue !
RépondreSupprimerIntense Mathilde.
RépondreSupprimerMichelaise : inutile de dire que j'adore ce poème de Henry Bataille, il me donnerait presque la chair de poule !!!
RépondreSupprimerAdrian : "intense" est bien choisi, ça me plait !!!
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