"Sorcière. 1/ Horrible et repoussante vieille femme, en perverse activité avec le diable. 2/ Belle et attirante jeune personne, dont les perverses activités dépassent le diable."
Ambrose Bierce
Extrait de : Le dictionnaire du DiableUne fois, une rigolote sorcière aux chaussettes rayées a atterri au milieu de mes étagères ! Le chapeau de travers, étendue de tout son long, elle me considérait avec inquiétude :
- Heu ! Désolée. Sois sans crainte, je vais réparer mes bêtises !
Sans attendre de réponse, elle se redressa et entreprit de caresser chaque centimètre carré du bois éraflé par sa chute. Et, sous ses doigts de magicienne, ces derniers récupérèrent leur dignité de marquis.
Devant mon expression ahurie, la petite sorcière m’expliqua :
- Je crois que j’allais un peu trop vite sur mon balai ! Je suis partie, ce matin, pour le sabbat des sorcières. Mais, selon mon habitude, j’ai flâné. Bien obligée ensuite de voler à toute vitesse pour rattraper le temps perdu !
Cette sorcière ne semblait pas bien méchante. Je retrouvai l’usage de la parole :
- Ainsi les sorcières existent pour de...
Elle m’interrompit par une exclamation :
- Nom d’une sorcière ! J’ai perdu mes Graines de Vie, dans ma chute… Au lieu de bavarder, aide-moi à les ramasser !
J’éclairai de mon mieux le sol de ma lampe.
- Les voilà ! S’exclama-t-elle, joyeuse.
J’aperçus alors quelques pépins ratatinés et insignifiants.
J’étais déçu et le montrai.
- Ne prends pas cet air méprisant... Il y a là-dedans toute la magie du monde !
Elle les ramassa et souffla doucement dessus. Aussitôt, l’un d’entre eux se mit à germer, à grandir, grandir. Une magnifique orchidée blanche se balançait, majestueuse, sous nos yeux.
La petite magicienne souffla encore et encore. La brise se leva. J’aperçus alors la mer et ses vagues argentées. Le ciel s’embrasa d’un coup et l’aurore fut là. Les oiseaux tournoyèrent au-dessus de nos têtes pour célébrer la naissance du jour. Je retins mon souffle, ébloui. Que c’était beau !
Dès que ma drôle de visiteuse cessa de souffler, la nuit nous enveloppa de son manteau étoilé.
- Tu as bien de la chance de posséder toute cette magie ! Murmurai-je émerveillée.
Elle rit aux éclats.
- Cette magie, tu la possèdes toi aussi. Ce n’est pas compliqué :
Il te suffit de regarder autour de toi… et de ramasser les instants de la vie !
Elle mit les graines dans un petit sac en cuir et en serra le cordon.
- Bon ! Je crois qu’il est temps que je parte sinon je vais rater le sabbat ! Merci pour ton aide et peut-être à bientôt…
Quand elle prit son envol, je m’aperçus qu’elle n’était pas venue seule : une licorne et un manège l’accompagnaient. Tout le temps de notre conversation, ils s’étaient discrètement tenus dans le noir.
Pas de doute, je venais de faire la connaissance d’une vraie sorcière, comme dans les histoires ! Je n’avais pas rêvé !
Photo et texte de Mathilde Primavera.